Depuis l’annonce de Michael Douglas en 2013, attribuant son cancer de la gorge au sexe oral, l’acteur qui a omis de mentionner qu’il buvait et fumait régulièrement, a probablement suscité l’inquiétude de nombreux adeptes de ces pratiques.
Et pour cause, fellation et cunnilingus se banalisent de plus en plus dans un contexte où les moeurs sexuelles semblent plus libérales qu’il y a encore quelques années.
Suite aux révélations de cette icône du cinéma, la question n’a donc pas tardé à se poser: Le sexe oral peut-il provoquer un cancer de la gorge ? Réponses avec le Dr Sandra Fornage, gynécologue spécialisée en médecine sexuelle.
Si les rapports sexuels non protégés peuvent susciter de l’inquiétude, c’est en raison de nombreuses infections ou maladies sexuellement transmissibles. On a pu le voir dans de multiples campagnes de sensibilisation et de prévention prônant l’usage de moyens de protection pendant les rapports, notamment dans le cas du VIH responsable du SIDA. Mais qu’en est-il des cancers oropharyngés ?
Des risques sous certaines conditions
Le papillomavirus humain, également connu sous le sigle HPV, fait partie d’un groupe de virus fréquents et sexuellement transmissibles. Ces derniers sont responsables de l’apparition de papillomes viraux (verrues), qui peuvent se développer au niveau de la peau et des muqueuses.
Si le Dr Fornage souligne que le HPV en soi est généralement bénin, elle précise également que certaines souches sont considérées à “haut risque” et “peuvent engendrer des lésions précancéreuses pouvant se transformer en cancer (du col de l’utérus, de l’anus, de la vulve, du pénis ou de la gorge) au bout d’une dizaine d’années en moyenne”.
La gynécologue révèle que le papillomavirus humain peut être “présent dans les muqueuses vaginales de la personne porteuse” ce qui entraîne “un risque de transmission lors d’une pratique de sexe oral”. Le Dr Joseph Monsonego, gynécologue et spécialiste des pathologies à HPV explique quant à lui au Figaro que “le virus se transmet par la pénétration vaginale et anale mais aussi par le cunnilingus, la fellation ou par simple contact digital”.
Sous certaines conditions, dont la diminution de l’immunité et un tabagisme actif, la spécialiste conclut qu’à long terme, “l’infection par HPV pourrait alors évoluer vers un cancer de la gorge”.
Une prévalence chez le sexe masculin selon les scientifiques
Une étude américaine de l’université de John Hopkins a suggéré en 2016 que les hommes seraient plus vulnérables au HPV 16, un papillomavirus humain à haut risque. Ce dernier dont la transmission peut se faire via fellation ou cunnilingus peut être à l’origine de ce que l’on appelle les cancers oropharyngés, dont le cancer de la gorge.
Présentée lors du congrès annuel de l’Association américaine pour l’avancée des sciences (AAAS), l’étude estime que les hommes auraient “jusqu’à deux fois plus de risque que les femmes de développer ces cancers, surtout si, facteur aggravant chez les hommes mais pas chez les femmes, ils multiplient les partenaires avec lesquels ils pratiquent le sexe oral” peut-on lire sur le 20 Minutes. Selon cette même source, une différence d’immunité chez les deux sexes expliquerait ces résultats.
En outre, le média souligne que “le HPV ne déclenche pas directement les mutations responsables de la tumeur, mais provoque des changements dans les cellules qu’il infecte dans la gorge ou le col de l’utérus et qui deviennent cancéreuses”.
Une seconde étude menée par l’université de Floride aux Etats-Unis et publiée dans la revue scientifique Annals of Internal Medicine en 2017 émet des observations similaires quant à la prévalence de l’infection par HPV. Relayée par Reuters, cette dernière portait sur des données fournies par 4 493 hommes et 4 641 femmes.
Selon les estimations des chercheurs, les hommes seraient plus sensibles que les femmes à l’infection par papillomavirus humain, notamment le HPV 16. En outre, les infections par HPV et celles par HPV à haut risque en particulier seraient “associées de manière significative” au tabagisme, souligne CNN.
Alcool et tabac: premiers facteurs de risque
Lorsqu’il s’agit de la sphère ORL en général, l’Institut Curie révèle qu’une majorité de cancers sont dus au tabagisme et à la consommation d’alcool, avec des risques encore plus importants lorsqu’ils sont combinés.
Ainsi, et comme le rappelle au Figaro le Pr Renaud Garrel de l’Unité de cancérologie tête et cou-laryngologie au CHRU Montpellier, “La récente notoriété des papillomavirus ne doit pas faire oublier que pour prévenir les cancers de la gorge en général, l’arrêt du tabac et des excès de boissons alcoolisés sont de loin les mesures les plus payantes”.
Selon le Dr Philippe Gorphe, du service de chirurgie oncologique tête et cou à l’Institut Gustave-Roussy, “les cancers de l’oropharynx dus au papillomavirus ne seraient que de 27 % à 40 % dans notre pays (donc minoritaires) contre 60 % à 80 % aux États-Unis, 75 % en Angleterre et 80 % en Suède, où les cancers ORL d’origine tabagique sont proportionnellement moins fréquents”.
Le Pr Garrel rejoint son avis et précise qu’il est “possible que les cancers de l’oropharynx liés au sexe oral et/ou à la multiplication des partenaires progressent. Mais ceux qui ont véritablement explosé depuis un siècle sont ceux liés au tabac et cela explique pourquoi les femmes sont de plus en plus souvent concernées”.